Au matin du 8 octobre, une demi-douzaine de caméras de presse se sont retrouvées à la limite administrative entre la Serbie centrale et le Kosovo pour filmer le passage d’un camion : le premier camion serbe à rentrer au Kosovo depuis la mi-juillet 2023, lorsque les autorités de Pristina ont interdit les importations depuis la Serbie après l’arrestation de trois policiers du Kosovo par la police serbe.
La veille, le 7 octobre en début d’après-midi, les autorités de Pristina ont annoncé lever cette interdiction. En cause : l’arrivée le 14 octobre du 10e sommet du Processus de Berlin, ce processus initié par l’Allemagne dans le but de favoriser la coopération entre les pays des Balkans occidentaux, ainsi que leur éventuelle entrée dans l’UE. La demande de levée de l’interdiction d’importer des marchandises de Serbie au Kosovo a été envoyée début septembre par l’envoyé spécial allemand pour les Balkans occidentaux, Manuel Zaracin, au prétexte que cette interdiction bloquait le travail du CEFTA (Accord de libre-échange centre-européen). Un ultimatum assez clair auquel Pristina a tardé à s’exécuter, et seulement à moitié. En effet, la levée de l’interdiction concerne pour le moment un seul passage administratif sur six, celui de Merdare, à une trentaine de kilomètres au nord-est de Pristina. La raison invoquée pour cette limite : l’attente, sur les autres postes administratifs, de matériels de contrôle qui devraient arriver dans les jours qui viennent.
Certains Serbes au Kosovo pensent que ce choix n’est pas innocent, d’abord parce que Merdare ne dessert pas immédiatement la partie nord du Kosovo, contrairement au passage de Jarinje. Ensuite parce que la route menant jusqu’à Merdare est longue et sinueuse, ce qui la rend peu pratique pour les poids lourds. Cette ouverture partielle serait donc un moyen d’avoir l’air de faire un geste tout en conservant la pression sur le Nord du Kosovo, à majorité serbe.
La nouvelle est donc accueillie tièdement par les Serbes du Kosovo, qui peinent à croire que la situation reviendra rapidement à ce qu’elle était avant cette interdiction. Pendant 15 mois, ils ont vu leurs rayons se vider de nombreux produits de consommation quotidienne, ce qui a par exemple poussé les commerçants à se tourner vers Banja Luka pour leurs importations de bière. Certaines paroisses ont également rencontré des difficultés pour s’approvisionner en cierges. Plus grave, les hôpitaux et centres de santé des enclaves serbes ont eux aussi vu leurs magasins se vider, certains médecins tirant à plusieurs reprises la sonnette d’alarme.