Cinq conseils de lecture de fin d’année, par Darya Basova

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L’année 2024, marquée par le basculement géopolitique de grande envergure, touche à sa fin. Il est temps de résumer les accomplissements personnels et de se donner des résolutions vaines, parfois même intenables et sentimentales, mais vives.

La beauté sauvera le monde, disait le personnage de Dostoïevski. Pour la résolution du Nouvel An, je vous souhaite la beauté de l’écriture et de la création littéraire. L’attachement à la culture permet de ne se pas se perdre et de maintenir l’espoir dans les valeurs humanitaires universelles. Pour cette période de fêtes, je vous propose de la passer avec la littérature des Balkans. Le choix est totalement subjectif et personnel – permettez-moi cette liberté frivole de vous partager cinq bons livres des auteurs balkaniques.

Goran Petrović, Sous un ciel qui s’écaille / Editions Les Allusifs, 2010

On commence par le grand écrivain de la littérature serbe de notre temps, qui est malheureusement décédé à l’âge de 62 ans cette année. Le livre représente le kaléidoscope des destins humains, le mélange des époques, décris avec la clarté photographique, où chaque détail, chaque caractéristique ne sont pas donnés au hasard. Tout démarre par la nouvelle qui frappe les visiteurs du cinéma délabré « Uranie » dans la ville serbe Kraljevo : la mort du leader yougoslave communiste Broz Tito.

Ismaël Kadaré, Disputes au sommet / Editions Fayard, 2022

Le dernier livre du grand écrivain albanais publié avant sa mort. Son décès, le 1 er juillet 2024, a par ailleurs provoqué un deuil national dans son pays. L’auteur réfléchit au rôle d’un écrivain dans un système totalitaire et aux relations entre le créateur et le chef d’Etat. Dans les pages de « Disputes au sommet », Ismaël Kadaré nous dévoile ses années d’études à l’Institut de littérature Maxime Gorki, à Moscou, quand il se retrouve en pleine campagne d’intimidation contre Boris Pasternak.

« Ah, voilà donc pourquoi le tintamarre contre Pasternak y est décrit de manière si surprenante, en tout cas invraisemblable. Comme s’il ne s’agissait pas que de lui, mais aussi de quelqu’un d’autre. Peut-être de toi même. C’est pourquoi l’éréthisme y était si mauvais et, par moments, grisant. Toi, seul, face à ton pays qui te hurle en pleine figure à la fois sa haine et son amour… »

Vladimir Dimitrijević, Lettres russes / Editions Héros-Limite, 2011

C’est un entretien à écouter et à lire entre le journaliste et écrivain suisse Jil Silberstein et le passionné de la littérature Vladimir Dimitrijević (Dimitri, le code en usage selon Jean-Louis Kuffer). Contrairement aux questions « naïves » de l’intervieweur, l’éditeur serbe nous donne des réponses peu banales. Il nous livre sa vision du socialisme et nous fait un retour sur son enfance. Dimitri nous partage également son amour pour les auteurs classiques de la littérature russe et francophone. Vladimir Dimitrijević est surtout connu pour avoir été l’éditeur de la littérature serbe (yougoslave au sens large) et russe, en Suisse et en France, ainsi que le fondateur de la maison d’édition L’Age d’Homme.

« J’avais fait un monde à part, mais ce sont les autres qui m’ont exclu. »

Svetislav Basara, Le cœur de la terre / Editions Noir sur Blanc, 2017

La narration totalement fantasmagorique où on reconnaît le style inoubliable de l’écrivain serbe. « A la fin du XIX e siècle, Friedrich Nietzsche passe incognito un automne chaotique à Famagouste ». Voilà le déclenchement de l’histoire de l’ancien interprète à l’OMS, mais qui s’ensuit par un récit rocambolesque plein de contradictions, dans un « d’un pseudo-état » contenant des mystères : Chypre.

Sara Nović, La jeune fille et la guerre / Editions Fayard, 2016

Le roman anglophone écrit par l’autrice d’origine croate, mérite, selon moi, l’attention d’un lecteur avisé. Sara Nović revient sur le passé douloureux de la guerre serbo-croate dans les années 1990 racontée par son personnage, une jeune fille de 10 ans Ana Jurić. Ce qui démarque ce roman de plein d’autres de ce genre « nouveau traumatisme », c’est la capacité de l’autrice de voir large et de montrer l’absurdité de l’hystérie nationaliste, quand par exemple, un jour à Zagreb, le vendeur demande soudainement à la petite fille : « Tu veux des cigarettes serbes ou croates ? ».

Bonne lecture et Joyeux Noël !

Darya Basova, autrice russe, est diplômée de MGIMO et de l’Université de la Sorbonne.

Image de La rédaction de Balkans-Actu

La rédaction de Balkans-Actu

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