Les prédictions sur l’avenir démographique des Balkans ne manquent pas, et sans surprise les résultats de ces études annoncent quasiment la mort des pays balkaniques. En effet, la majeure partie de ces pays devraient connaître une division par deux de leur population d’ici la fin du siècle.
Il est clair qu’une tendance mortifère se profile pour toutes les nations, nous le savons au moins depuis Nietzsche. Alors que l’Occident plonge toujours plus vers le Thanatos avec les capsules de suicide, véritables incubateurs inversés, les Balkans sont doublement touchés démographiquement avec l’exode massif de leur population vers l’UE.
L’exode de la population
Nous devons souligner qu’en plus du phénomène de dénatalité qui sera bientôt mondial, les Balkans sont également touchés par un siphonnement de leur jeunesse, atteignant pour certains pays 20% d’exode chez les moins de 30 ans.
Chaque civilisation connaît une période d’exode rural, la campagne alimente la croissance des villes qui deviennent des métropoles monopolisant toute la vie, la politique, la culture, l’économie et cetera. Mais une fois que toutes les campagnes sont vidées, les artères ne sont plus en mesure de fournir le sang aux métropoles, elles meurent. “Latifundia perdidere Italiam”, énonça Pline l’Ancien, afin de pointer du doigt la grande propriété foncière qui a fait périr la classe paysanne et l’Italie. L’Italie et ses provinces ont été désertifiées, ce qui a permis aux barbares de se multiplier, siéger au sénat, faire partie de l’armée, gouverner. Les barbares romanisés ont même dû construire des remparts afin de protéger l’empire des incursions des barbares non-romanisés.
Ce n’est pas sans rappeler la situation actuelle de l’Europe où l’immigration balkanique et extra-européenne vise à combler le déficit de population dans les pays les plus avancés. La stratégie employée par les pays balkaniques ne vise pas à lutter contre l’entropie et l’exode rural, mais seulement à développer des métropoles qui concurrenceraient celles d’Europe de l’ouest.
La métropole comme cercueil des civilisations
Problème, qu’il s’agisse de Zagreb ou Belgrade, la corruption ainsi que le coût de la vie ne permettent plus aux provinciaux de faire carrière dans les capitales balkaniques. Celles-ci sont davantage en phase de devenir des villes globales attirant des nomades numériques du monde entier. Et quand bien même les provinciaux locaux arriveraient à y vivre, la corruption et le blanchiment d’argent par l’immobilier rendent la vie de famille compliquée.
Comme nous venons de le dire, les pays balkaniques n’ont pas de politique de lutte contre l’exode rural, la centralisation extrême de la Serbie autour de Belgrade en témoigne.
La mégapole moderne est le symbole d’une modernité lancée dans la démesure, coupée de la terre, d’une société atomisée formée d’individus prétendument libérés des chaînes du passé et de la communauté. Le citadin coupé de ses repères passés compense en s’adonnant aux multiples divertissements faisant office de supplétifs. L’homme ne ressent alors plus le besoin de perpétuer sa lignée, le nom de famille, alors que c’était vu comme un malheur pour le paysan. Un proverbe serbe dit que la richesse d’un foyer se mesure au nombre de personnes qui la compose.
L’absence de vision civilisationnelle
La culture tient aussi une place cruciale dans le phénomène de dénatalité mondial. Le statut de la mère est fortement dévalorisé en Occident, le féminisme radical régnant promeut l’indépendance de la femme vis-à-vis de toutes attaches, y compris la maternité. Néanmoins d’autres pays comme la Mongolie ou la Géorgie ont su valoriser le statut de la mère dans leur culture, entraînant même un “baby-boom”.
L’un des grands enjeux des États civilisations est la modernisation sans l’occidentalisation. Autrement dit, comment un Etat peut-il combler son retard de développement par rapport à l’Occident tout en conservant sa propre spécificité, son âme ?
Là aussi les pays balkaniques semblent amorphes, incapables de proposer une vision civilisationnelle. Malgré une prétendue symphonie post-byzantine entre l’État et l’Église, le discours chrétien sur la culture et l’économie est anecdotique au niveau politique, comme si la marche en avant dans l’antre de l’économie globalisée allait suffire à sauver les Balkans.
Le combat se situe bien contre Thanatos, mais la tentation des Etats, monstres les plus froids, est de gérer un parc humain indifférencié depuis la naissance à la mort, afin de poursuivre ses propres objectifs. Ce dont nous avons plus que jamais besoin c’est d’une politique civilisationnelle défendant la vie, mais surtout d’un retour à l’Eros.
Vuk Nikolić, engagé dans l’associatif à Banja Luka en République serbe de Bosnie, est spécialisé dans les thématiques culturelles et religieuses de Serbie et Bosnie-Herzégovine