Le 15 janvier, Christopher Hill, ambassadeur US en Serbie, a quitté le stade où il assistait à un match de l’Euroleague de basket, après avoir été la cible de chants insultants de la part d’une partie des supporters serbes. Un grand drapeau “Nema Predaje”, symbole du refus des Serbes d’abandonner le Kosovo, a également été brandi juste devant sa loge, l’empêchant de voir le terrain.
Christopher Hill a annoncé quelques jours plus tôt qu’il entamait une série de visites destinées à marquer la fin de sa mission comme ambassadeur des États-Unis à Belgrade.
La genèse de cet incident date d’il y a 26 ans. En effet, Christopher Hill, à l’époque ambassadeur en Macédoine, a participé aux négociations ayant entouré la conférence de Rambouillet, cette “rencontre” entre Serbes et Albanais autour de la question du Kosovo. “Rencontre” entre guillemets parce que les deux délégations ne se rencontreront pas face à face, l’albanaise comportant des membres de l’UCK, que la Serbie considère comme mouvement terroriste. Les discussions se feront donc par l’intermédiaire de médiateurs, dont Christopher Hill, qui est aussi un des rédacteurs du projet d’accord.
C’est ce projet d’accord que les serbes rejetteront, jugeant inacceptable l’ensemble, et plus particulièrement une annexe présentée vers la fin de la conférence, qui prévoyait qu’une force de 30 000 hommes de l’OTAN maintiendrait l’ordre au Kosovo, tout en bénéficiant d’une liberté de circulation totale, non seulement au Kosovo mais sur tout le territoire yougoslave, ainsi que d’une immunité face aux lois yougoslaves. Le 28 juin 1999, 18 jours après la fin de la guerre, le diplomate américain Henry Kissinger déclarera au Daily telegraph : “Le texte de Rambouillet […] était une provocation, un prétexte pour commencer les bombardements. Rambouillet n’aurait pu être accepté par le plus pacifique des Serbes”. Un avis partagé par de nombreux observateurs occidentaux, et par de nombreux Serbes qui tiennent donc Christopher Hill pour responsable de ces trois mois de bombardement et de l’arrachement du Kosovo.
Un autre événement vient aggraver ce ressentiment. Le 6 mai 1999, alors que les bombardements font rage depuis deux mois – et en dureront encore plus d’un de plus –, Ibrahim Rugova, président de la Ligue démocratique du Kosovo, figure des Albanais modérés, est reçu à Rome par les représentants de l’Etat italien et Christopher Hill. Le lendemain, Libération raconte : “Selon certaines sources, Washington aurait expressément demandé aux autorités italiennes de pouvoir parler [au téléphone, NDLR] avec Ibrahim Rugova avant de le laisser répondre aux questions des journalistes. La secrétaire d’Etat Madeleine Albright aurait ainsi voulu s’assurer que le président de la Ligue démocratique du Kosovo n’exigerait pas la cessation des bombardements.” Rugova, pacifiste convaincu, entendait en effet mettre cette exigence dans la balance. Il en a été empêché par Washington, en présence de Hill.
L’arrivée de Christopher Hill à Belgrade en mars 2022 a donc été modérément goûtée par les Serbes. Son séjour, lui, laisse une impression variable. Certains constatent qu’il s’est montré à l’écoute des Serbes, et apprécient sa position sur le Kosovo. Il a par exemple plusieurs fois déclaré que les autorités du Kosovo avaient une grande part de responsabilité dans l’absence de progrès dans le dialogue entre Belgrade et Pristina, pointant l’absence de progrès faits dans la protection des minorités. Récemment, il a aussi annoncé qu’il ne voyait pas d’éléments probants permettant d’attribuer l’attaque du Canal Ibar-Lepenac aux Serbes.
D’autres au contraire l’accusent d’avoir manipulé le président serbe Aleksandar Vučić pour lui faire accepter des compromis contraires aux intérêts des Serbes. Un récent déplacement de ce dernier pour inaugurer une autoroute a beaucoup fait parler ses opposants, Hill se trouvant dans le fond du bus présidentiel. Une preuve selon certains de ce que Vučić serait devenu “un pion des US”.