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La guerre du Kosovo : quand la propagande médiatique façonne l’intervention de l’OTAN

La guerre du Kosovo (1998-1999) est souvent présentée comme un tournant dans les conflits modernes, non seulement par les événements sur le terrain, mais aussi par la manière dont la propagande médiatique a façonné les perceptions, notamment en Occident. Plusieurs récits relayés par les médias occidentaux ont été exagérés ou déformés pour justifier l’intervention militaire de l’OTAN contre la Yougoslavie.

1. Le massacre de Račak : une vérité partiellement éclipsée ?

En janvier 1999, les médias occidentaux rapportaient avec insistance qu’un massacre avait été commis dans le village de Račak, où 45 Albanais kosovars auraient été exécutés par les forces serbes. Cette version des faits a été l’une des principales justifications de l’intervention de l’OTAN. Toutefois, des enquêtes ultérieures ont révélé que les victimes étaient des combattants de l’UCK (Armée de Libération du Kosovo) tués lors de combats et non des civils exécutés sommairement. Les combattants de l’UCK présent dans la zone de Račak avaient quelques jours auparavant tué des policiers Serbes et mutilé les corps de ces derniers avant de les abandonner sur une route à quelques kilomètres de Račak. William Walker, chef de la mission de l’OSCE, a tout de suite qualifié cet événement de « massacre », avant même le début de l’enquête. Une couverture médiatique massive a suivi, présentant les évènement de Račak comme un crime de guerre, une horrible exécutions de civils innocents. Quelques voix dissonantes, comme celle, notable (voir ci-dessous), de Christophe Chatelot dans le Monde, qui écrivait

« Le massacre de Racak n’est-il pas trop parfait ? De nouveaux témoignages recueillis lundi 18 janvier par Le Monde, jettent un doute sur la réalité de l’horrible spectacle des corps entassés de dizaines d’Albanais qui auraient été sommairement exécutés par les forces de sécurité serbes dans la journée de vendredi. »

ne peuvent rien faire pour arrêter la machine infernale qui est lancée et emportera tout sur son passage.

Concernant William Walker, il est intéressant de souligner son passé controversé : il avait été impliqué dans des affaires de droits humains en Amérique centrale ainsi que d’avoir couvert des massacres.

2. Des chiffres exagérés sur les réfugiés et les victimes

Les médias occidentaux ont rapporté des chiffres très élevés sur les victimes albanaises pendant la guerre. Par exemple, des estimations indiquaient que jusqu’à 500 000 Albanais avaient été tués par les forces serbes. La chaine de télé française TF1 dans son journal télévisé du 20 avril 1999 disait « les Serbes ont tués entre 100 000 et 500 000 civils ». Cependant, après la fin du conflit, les enquêtes sur le terrain ont révélé que le nombre total de victimes, toutes origines confondues, était bien inférieur, avoisinant les 10 000. Cette surestimation a été utilisée pour justifier les bombardements de l’OTAN et alimenter le sentiment d’urgence, exacerbant ainsi la perception d’une crise humanitaire majeure.

3. Des comparaisons douteuses avec l’Holocauste

Plusieurs médias et ONG, dont Médecins Sans Frontières, ont sciemment comparé la situation au Kosovo à l’Holocauste, affirmant que les Serbes engageaient un génocide contre les Albanais kosovars. Bernard Kouchner, alors président de l’ONG, a même comparé Slobodan Milošević à Hitler. On se souvient aussi de cette photo d’un « prisonnier bosniaque enfermé dans un camp de concentration serbe », en fait un réfugié dans un camp de transit.

Avec le recul, il est clair qu’aucune politique d’extermination systématique n’a jamais été mise en place par les autorités yougoslaves durant ce conflit, ni même avant. Cette comparaison a largement simplifié la réalité, justifiant l’intervention de l’OTAN par une analogie moralement chargée : défendre les Serbes après ça n’était plus moralement acceptable.

4. Le silence sur les crimes et la nature de l’UCK

Bien que les forces serbes aient été largement et rapidement condamnées pour leurs crimes de guerre, les exactions commises par l’UCK (Armée de Libération du Kosovo) ont reçu une couverture bien plus discrète. La Serbie a envoyé tous ses criminels à la disposition de la justice internationale, ce qui fait que lorsque le tribunal pénal international a commencé à se pencher sur les criminels albanais du Kosovo et leurs crimes, les criminels Serbes avaient déjà pour la plupart servit leurs peine. L’UCK, le plus souvent présentée comme une force de résistance héroïque, a pourtant été impliquée dans des crimes contre des civils serbes et roms, notamment des enlèvements et des exécutions sommaires. Un trafic d’organe pris aux prisonniers serbes a aussi été organisé à cette époque, notamment pour financer l’UCK. Pire que cela, le coté terroriste de l’UCK n’a jamais été relevé par les médias occidentaux tout comme les liens de cette dernière avec la mafia Albanaise en Suisse et aux USA. Cette omission volontaire a contribué à simplifier les récits, opposant les « bons » Kosovars albanais aux « méchants » Serbes. 

6. Le « Plan Fer à Cheval » : comment le journal le Monde a diffusé l’une des plus grosse fake news de notre siècle.

Le « Plan Fer à Cheval », prétendument élaboré par les autorités serbes pour organiser l’expulsion massive des Albanais du Kosovo, a été utilisé par l’Allemagne en 1999 pour justifier l’intensification des bombardements de l’OTAN. Cependant, des années plus tard, il a été révélé par le journal Allemand der Spiegel que ce plan n’était en réalité qu’un faux, fabriqué par les services secrets bulgares et transmis à l’Allemagne pour renforcer la légitimité de l’intervention. Bien que ce plan ait été largement repris dans la presse occidentale, aucune preuve concrète n’a jamais été présentée pour prouver son authenticité. Le journal Français le Monde, alors dirige à l’époque par Edwy Plenel avoue avoir « fait le choix de l’intervention ». C’est ainsi que dans l’édition du 8 avril 1999 un article du journaliste Daniel Vernet parle du plan fer à cheval comme le plan secret des Serbes pour « déporter les Kosovars ». Selon lui, ce plan « du gouvernement de Belgrade détaillant la politique de nettoyage ethnique au Kosovo (…) porte le nom de code de plan fer a cheval, sans doute pour symboliser la prise en tenaille des populations albanaise ».

À peine deux jours plus tard, la Une du Monde titre : « Comment Milosevic a préparé l’épuration ethnique ». Le journal évoque même « un document d’origine militaire serbe » sans évidemment apporter la moindre preuve. Le directeur du Courrier des Balkans Jean-Arnault Dérens explique quant a lui que le plan fer à cheval est « l’archétype des fakes news diffusés par les armées occidentales, repris par tous les grands journaux européens ».

7. La partialité des ONG occidentales dans le conflit au Kosovo

De nombreuses ONG occidentales ont pris parti de façon ouverte et biaisée dans le conflit. On a vu l’affiche de Médecins sans frontières comparant Milosević à Hitler ($3 de cet article), qui en est l’exemple le plus frappant. Bien entendu, la plupart des ONG ont été plus discrète et plus fine dans leur militantisme. La stratégie a le plus souvent consisté en un choix délibéré de mettre en avant certaines victimes et d’en oublier complètement d’autres. Dans le cas précis du Kosovo, les seules victimes autorisées étaient les victimes albanaises, « kosovares ». Les Serbes, eux, ne pouvaient être que des coupables.

En mai 1999, Amnesty international publie un rapport sur le Kosovo. On y lit :

Amnesty international a documenté les tribulations du Kosovo depuis le milieu des années 70. Ce long recul permet à l’organisation d’affirmer avec certitude que a crise actuelle est la conséquence de violations répétées des droits humains des Albanais du Kosovo par les autorités yougoslaves et serbes.

Les victimes serbes sont évoquées ici ou là, mais toujours en des termes minimisant les faits.

Alors que le conflit au Kosovo s’intensifiait à partir de début 1998, des centaines d’Albanais ont été illégitimement tués par les forces yougoslaves. Un plus petit nombre de civils serbes auraient été enlevés ou tués par l’UCK.

On a également une longue liste de victimes albanaises, avec leurs noms et les circonstances détaillées de leur mort. Une telle liste n’existe pas pour les victimes serbes.

Le même déséquilibre entre les victimes est notable dans le travail de Reporters sans Frontières, qui a publié plusieurs rapports sur les crimes des forces yougoslaves au Kosovo mais presque jamais sur les crimes des terroristes de l’UCK et les crimes de l’OTAN. RSF a par exemple pendant la guerre rapporté des témoignages de réfugiés et de victimes, mais certaines de ces histoires ont été biaisées en raison de leur provenance. Les récits des Albanais kosovars étaient souvent mis en avant, tandis que ceux des Serbes, victimes de violence de la part de l’UCK ou des bombardements de l’OTAN, étaient négligés.

Conclusion : Une guerre façonnée par la propagande

La guerre du Kosovo a révélé comment la manipulation de l’information peut jouer un rôle déterminant dans la légitimation des interventions militaires. Si la couverture médiatique a permis de mettre en lumière des violations réelles des droits humains, elle a également contribué à véhiculer des récits biaisés et exagérés. Ces distorsions ont effacé la complexité du conflit, influençant profondément l’opinion publique et les décisions politiques. Aujourd’hui, en réexaminant ces récits, il est essentiel de se rappeler que la guerre est souvent plus nuancée que ce que les médias peuvent laisser entrevoir. Cet article met en lumière les zones d’ombre de la guerre du Kosovo, rappelant que la vérité est souvent la première victime des conflits modernes.

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