Les Balkans sous pression : la guerre commerciale relance les jeux d’influence en Europe du Sud-Est

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Malgré l’apaisement momentané dans la guerre tarifaire États-Unis-Chine, les effets persistants de ce conflit mondial continuent de se faire sentir dans les régions périphériques. Les pays des Balkans, étroitement liés à l’économie allemande et de plus en plus courtisés par la Chine, subissent de plein fouet les secousses. En Serbie comme dans les pays voisins, la confrontation sino-américaine et les tensions transatlantiques fragilisent un modèle économique fondé sur des dépendances multiples.

Guerre commerciale globale, répercussions locales

Avec le Liberation Day du 2 avril 2025, l’administration Trump a ouvert une guerre commerciale face à la Chine et à l’Union européenne et a bouleversé l’équilibre du commerce mondial. Si ses effets directs ont touché les grandes puissances, les pays des Balkans en ont subi les conséquences de manière indirecte mais lourde, via leur forte exposition au marché européen, et tout particulièrement à l’économie allemande.

Comme l’a souligné mardi 13 mai à l’AFP Beata Javorcik, cheffe économiste de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), « les récents changements de politique commerciale américaine ont épargné très peu de pays ». Dans les régions où intervient la BERD, l’impact principal se fait sentir via l’Allemagne, dont les performances industrielles sont étroitement liées à celles des pays voisins.

Après deux années de récession, l’Allemagne a enregistré un léger rebond début 2025. Mais ses difficultés industrielles, notamment dans le secteur automobile, freinent les exportations de ses partenaires. La Slovaquie, par exemple, dont 5 % de la population travaille dans l’automobile, est particulièrement touchée. Les exportations vers l’Allemagne représentent jusqu’à 25 % du PIB de la République tchèque et 20 % pour la Macédoine du Nord. D’autres pays comme la Hongrie, la Slovénie ou encore la Pologne sont également affectés.

Serbie : entre fragilité industrielle et réalignement chinois

La Serbie, acteur pivot des Balkans occidentaux, illustre les tensions générées par ce contexte. Forte d’une ouverture commerciale marquée, elle exporte à plus de 65 % vers l’Union européenne, avec l’Allemagne et l’Italie comme principaux débouchés. La guerre commerciale et la baisse de la demande allemande ont fortement ralenti l’industrie manufacturière serbe, notamment dans les zones industrielles du centre et du sud du pays.

Le cas de l’usine Fiat-Chrysler (FCA) de Kragujevac est emblématique. Site stratégique pour la production automobile serbe, elle a connu plusieurs arrêts temporaires liés à des pénuries de composants venus d’Asie et à la volatilité du marché européen. Le secteur automobile représente près de 10 % des exportations industrielles serbes.

Parallèlement, la Serbie a accéléré sa coopération avec la Chine, dans le cadre de l’Initiative « la Ceinture et la Route ». Pékin y a investi plus de 10 milliards d’euros entre 2018 et 2024, via des projets d’envergure :

  • Rachat de l’aciérie de Smederevo par HBIS Group,
  • Investissements miniers massifs à Bor (cuivre, or),
  • Construction et modernisation d’infrastructures ferroviaires et routières, notamment la ligne Belgrade-Budapest.

La Chine est désormais le premier créancier bilatéral de la Serbie, avec une dette représentant plus de 12 % du PIB serbe. Si ces flux soutiennent une croissance estimée à 2,9 % en 2025 (prévisions BERD), ils posent la question d’une certaine dépendance à l’égard de Pékin. Belgrade maintient néanmoins un discours pro-européen, poursuivant les négociations d’adhésion à l’Union européenne tout en renforçant sa coopération sécuritaire avec les États-Unis. Cette stratégie d’équilibre, qualifiée de « non-alignement pragmatique », reflète une volonté d’autonomie stratégique.

L’UE et les Balkans : partenaires sous tension

Consciente du risque de perte d’influence, l’Union européenne a multiplié les initiatives pour rester l’acteur dominant dans les Balkans : fonds de préadhésion, plan de relance post-COVID, et plan économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux. Mais ces leviers sont parfois jugés trop lents ou conditionnés à des réformes politiques perçues comme autant d’ingérences.

Dans ce contexte, le récent accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni, ainsi que la réduction annoncée des droits de douane sino-américains le 12 mai, offrent un espoir de détente. « Cela nous donne l’espoir qu’un accord sera aussi conclu entre l’UE et les États-Unis », a déclaré Beata Javorcik, y voyant « des retombées positives possibles pour nos régions ».

Image de La rédaction de Balkans-Actu

La rédaction de Balkans-Actu

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