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Monténégro : une partie du gouvernement propose une loi contre les agents étrangers

Le 9 octobre, la coalition « Pour l’avenir du Monténégro » a proposé une loi contre les agents étrangers, qui règlementerait “le fonctionnement des agences étrangères qui tentent d’influencer la politique intérieure et étrangère sous le couvert d’organisations non gouvernementales”.

La coalition est composée de l’ancien Front démocratique (DF), la Nouvelle Démocratie serbe d’Andrija Mandić – président du Parlement du Monténégro – et le Parti populaire démocratique de Milan Knežević. Ces partis comptent 13 députés, deux vice-présidents et trois ministres du gouvernement du Premier Ministre Milojko Spajić, plusieurs secrétaires d’État et dirigeants de plusieurs des plus grandes entreprises du Monténégro.

Cette coalition explique l’urgence d’une telle loi parce que “des ONG fonctionnent au-dessus des lois et se donnent le droit de distribuer des leçons de morales et des bons points aux politiciens et aux institutions de l’État”. Et de continuer : « En tant que gouvernement, nous sommes appelés à séparer la politique du Monténégro du travail brutal des agences qui subvertissent, mentent et font campagne pour les besoins des clients étrangers pour lesquels ils travaillent »

Une vive opposition

L’opposition à cette loi est immédiatement montée au créneau, dont certains partis qui sont eux aussi membres de la coalition qui est actuellement au pouvoir.

L’analyste politique Zlatko Vujović a par exemple déclaré à Radio Free Europe (RSE) que “le plan actuel poursuit deux objectifs. L’un est de s’occuper des critiques du régime, en particulier ceux qui ont une orientation pro-occidentale et qui reçoivent le soutien financier de fondations promouvant la démocratie. L’autre consiste à intimider les citoyens afin qu’ils ne critiquent pas publiquement le gouvernement. » Il dénonce même une loi servant à préparer l’instauration d’un régime totalitaire.

Le Parti Démocrate Socialiste (DPS), le plus fort parti d’opposition, a estimé qu’il s’agissait d’un acte anti-européen direct qui devrait empêcher le Monténégro de s’intégrer à l’Europe et d’instaurer une dictature. « S’il existe une agence étrangère, c’est bien votre coalition politique anti-Monténégro, anti-européenne et anti-euro-atlantique », a annoncé leur députée Drita Lola.

l’ONG Centre pour la Transition Démocratique ne s’est pas embarassée de tels sous-entendus et a dénoncé “une chasse aux sorcières” digne du “Moyen-âge” et d’une “autocratie”. « Nous vous rappelons que la loi annoncée s’inspire de la législation de pays comme la Russie, la Géorgie, le Kirghizistan et la Hongrie”, a également déclaré Milena Gvozdenović, du même Centre pour la transition démocratique. 

Un contexte de tension avec ls États-Unis

La collation proposant la loi a répliqué que celle-ci serait fondée sur la loi américaine sur l’enregistrement des agents étrangers (FARA). Cette loi impose aux ONG travaillant sur le sol américain “à titre politique ou quasi-politique” de divulguer leurs éventuelles relations avec des gouvernements étrangers et de fournir des informations sur leurs financements.

L’Ambassade américaine au Monténégro, tout en reconnaissant n’avoir pas lu la proposition de loi et ne pas pouvoir en conséquence “commenter les prétendues similitudes” avec la loi FARA, a tenu à rappeler que cette dernière est “conforme aux obligations internationales des États-Unis concernant droits de l’homme et respecte les droits à la liberté d’association, de réunion pacifique et d’expression”, et “ne cherche pas à limiter les activités des organisations de la société civile ou des médias”. Le sous-entendu est clair. 

Ces tensions interviennent dans un contexte déjà tendu entre les États-Unis et le Monténégro puisque ce dernier a annoncé fin septembre – information rendue publique par le gouvernement monténégrin le 11 octobre – qu’il dénoncerait l’article 98 du Traité de Rome signé en 2007 par les deux pays. Cet article exempte les citoyens américains au Monténégro de la juridiction de la Cour pénale internationale de La Haye, où ils pourraient être accusés de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Washington avait expliqué la nécessité de signer un tel accord pour éviter d’éventuelles accusations politiques contre des citoyens américains.

Cette dénonciation est rendue indispensable par le rapprochement du Monténégro avec l’Union Européenne, puisque cet article 98 du Traité de Rome s’oppose frontalement à des exigences de l’UE en terme de coopération entre les états membres de l’UE et la Cour Pénale internationale.

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