Depuis la mi-octobre, des dizaines de cas d’automutilation ont été signalés au Kosovo, notamment dans la ville de Gjakova. En cause, un “challenge” lancé sur TikTok, ces vidéos invitant les autres utilisateurs à se filmer en train de reproduire tel ou tel comportement. Ces “challenges” peuvent aller du plus innocent, reproduire une danse ou une scène de film, au plus dramatique. En début d’année, le “jeu de la virgule” avait fait parler de lui : il consistait à se faire tordre violemment le cou par un camarade.
Celui qui s’est répandu au Kosovo consiste à se faire des coupures sur le corps. Certaines des jeunes filles de Gjakova, dont la plus jeune recensée avait 9 ans à peine, en avaient ainsi des dizaines. “C’est incroyablement dur pour nous d’admettre que nos enfants se sont volontairement fait du mal”, a déclaré Besfort Krasniqi, un chef d’entreprise de 45 ans et père de trois enfants interrogé par l’AFP. D’autant qu’une majorité d’entre elles semblent avoir vu dans ce “jeu” une façon “de surmonter [leur] tristesse”.
Cette affaire, dont on ne connaît encore sans doute que la pointe de l’iceberg, pourrait bien être un ultime révélateur du malaise que vivent beaucoup de jeunes kosovars, dont une grande partie ne rêvent que de quitter un Kosovo où ils ne se voient pas d’avenir. En quelques mois entre 2014-2015, près de 60 000 Kosovars avaient tenté de rejoindre l’Allemagne en suivant le flot des réfugiés syriens qui traversaient les Balkans. Sur l’année 2022, 50 000 avaient émigré selon l’Agence des statistiques du Kosovo, majoritairement des jeunes. En 2021, le Kosovo a enregistré 14 000 naissances contre 47 000 en 1989, et beaucoup de jeunes couples déclaraient attendre d’avoir émigré pour fonder une famille. En janvier 2024, quand les Kosovars ont pu voyager dans Schengen sans visas, on estime que plusieurs dizaines de milliers d’entre eux ont quitté le pays. À cette date, 28% des habitants du Kosovo souhaitaient aller vivre dans un pays d’Europe de l’Ouest.
