Le 4 janvier, le diocèse de Raska-Prizren a publié un communiqué dénonçant “les fréquentes provocations qui se produisent à proximité immédiate du monastère de Banjska, l’une des plus importantes sacrées de l’Église orthodoxe serbe”. Le matin même, deux personnes avaient été filmées par les caméras de surveillance du monastère en train de dessiner le sigle “UCK” dans la neige juste devant la porte du monastère.
“UCK” est le sigle de l’“Armée de libération du Kosovo”, milice albanaise créée au milieu des années 90 dans le but d’obtenir un Kosovo albanais. Ses méthodes la firent classer très rapidement dans la liste des organisations terroristes du Département d’État américain : attaques de représentants de l’État yougoslaves (commissariats, policiers, services publics), érection de barrage, assassinats de Serbes ou d’Albanais modérés, etc. En 1998, l’Ouest prend fait et cause pour les Albanais du Kosovo et le Département d’État retire l’UCK de sa liste des organisations terroristes. Après la guerre du Kosovo, l’UCK est officiellement dissoute, 3 000 de ses membres formant le nouveau Corps de protection du Kosovo.
Pourtant, le signe UCK continue d’être massivement utilisé par les Albanais du Kosovo. Il ne passe quasiment pas une semaine sans qu’un panneau routier indiquant une enclave serbe soit tagué d’un “UCK”. Les lieux de vie des Serbes, monastères en tête, sont régulièrement ciblés, comme ici l’école de Jasenovek.
Ou là le pont de Mitrovica, sur sa partie nord, celle située du côté serbe de la ville.
Ou encore ici sur une colline au-dessus de l’enclave serbe de Velika Hoča.
On découvre parfois des photos d’enfants déguisés en combattants de l’UCK.
On pourrait croire à des actes isolés, venant d’individus ne représentant qu’eux-mêmes et leur propre nostalgie. On se tromperait : au plus haut niveau, ces références à l’UCK sont nombreuses. On se souvient de cet ancien commandant, acquitté “faute de preuves”, clamant à la sortie du tribunal de la Haye “la pureté de l’UCK”. On pensera aussi à ces grands panneaux d’affichage publicitaire clamant, un peu partout le long des routes du Kosovo, “La liberté a un nom, UCK” ou chantant les louanges d’anciens commandants eux aussi jugés à la Haye.
Très récemment également, les trois lettres du sigle ont été érigées, à la mode d’Hollywood, sur une colline surplombant la ville de Mitrovica, juste en face de l’église Saint-Dimitri, l’église orthodoxe serbe de Mitrovica Nord.
Encore plus grave, des policiers du Kosovo sont régulièrement vus arborant ce sigle avec fierté, partageant les photos sur les réseaux sociaux.
Cette pratique a été analysée par cinq associations agissant au Kosovo, New Social Initiative (NSI), Center for Affirmative Social Action (CASA), Institute for Territorial Economic Development (InTER), NGO AKTIV et Advocacy Center for Democratic Culture (ACDC), qui ont publié en décembre 2024 un rapport intitulé « Ethnisation de la Police du Kosovo ». Ce rapport démontre que « ces trois dernières années, une mode est apparue sur les réseaux sociaux, particulièrement sur TikTok, où des membres de la Police du Kosovo font la promotion d’un ethno-nationalisme albanais, en contradiction avec la Constitution [du Kosovo] ».
Rien d’étonnant donc que les minorités du Kosovo ne se sentent pas protégées par des hommes armés se réclamant d’autres hommes armés ayant, il y a 25 ans à peine, racketté, assassiné, enlevé, et profitant aujourd’hui d’une impunité presque totale.
Tant que le sigle “UCK” continuera d’être utilisé, tant que les anciens commandants de l’UCK continueront d’être traités en héros et d’échapper à la condamnation pour leurs crimes passés, principalement en raison de leur capacité, aujourd’hui encore, à faire taire les témoins, par la menace ou par la force, les minorités, et les Serbes en premier lieu, ne pourront pas vivre sereinement au Kosovo.