Draža Mihailović, de son vrai nom Dragoljub Mihailović, est surement l’un des personnage les plus discutés actuellement en Serbie, d’un point de vue politique. Souvent présenté comme le De Gaulle Français, condamné a mort puis exécuté a Belgrade, le maire de la ville veut maintenant lui rendre hommage en construisant le premier monument à sa gloire presque 30 après que les Américains en ont érigé un dans leur capitale.
Bénéficiaire de l’ascenseur social comme seule l’armée peut le faire, Draza est orphelin de ses deux parents à l’aube de ses cinq ans. Il décide après avoir étudié la musique de suivre une voie militaire et s’inscrit donc à l’école militaire de Belgrade.
Il en sort jeune officier et commence alors pour lui une vie de guerres, de combats, de larmes et de sang. Il participe en 1912 a la première guerre balkanique visant a libérer les Balkans du joug turc, puis l’année suivante contre les Bulgares. Il y récolte sa première blessure et sa première médaille.
S’ensuit ensuite la première Guerre mondiale, la longue et douloureuse retraite d’Albanie en 1915. Les débris de l’armée Serbe sont alors accueillis par l’armée française et envoyé sur l’ile grecque de Corfou, et certains en Tunisie alors protectorat français. L’armée serbe est alors réorganisé, entrainée et ré-équipée, et c’est un total de six divisions qui sont ainsi reformées par les français.
Les effets se font rapidement sentir, la troupe est motivé, le régent Alexandre publie un ordre du jour le 15 avril 1916 incitant ses troupes à se battre. Les premières unités serbes sont alors envoyés sur le front de Macédoine le même mois.
Le jeune officier Mihailović en fait parti, il combat sur le front de Salonique jusqu’à la libération de Belgrade et reçoit notamment l’ordre de l’Aigle blanc a titre militaire pour ses actes héroïques au combat.
Il poursuit sa carrière au sein de l’armée du jeune Royaume de Yougoslavie, ce qui l’emmène à suivre des cours à l’école militaire à Paris et à avoir comme camarade de classe un officier nommé Charles De Gaulle. Le 27 mars 1941 ,un coup militaire éclate à Belgrade, lors duquel l’accord signé à peine quelques jours plus tôt entre le IIIe Reich Allemand et le Royaume de Yougoslavie est rompu. Hitler lance alors son armée à l’assaut de la Yougoslavie, qu’il conquiert en quelques jours, le roi Pierre II de Serbie s’exile à Londres avec sa famille et une partie de son gouvernement.
La guerre n’est pour autant pas finie : Draža appelle à la résistance en organisant le combat face au troupes allemandes dans les Balkans. Il installe son quartier général dans la région de Raina Gora en Serbie centrale. Rapidement, il regroupe près de 46 000 hommes dans ce qui sera alors appelé « les Tchetniks ». La résistance Yougoslave connait alors 2 figures : Draža et ses Tchetniks fidèles au roi, et Tito, secrétaires général du parti de Yougoslavie, et ses Partisans communistes. En plus de la guerre contre les occupants italiens et allemands, une guerre civile entre les deux factions commence.
Les Allemands mettent la tête de Draza à prix pour 100 00 reichmarks et la BBC annonce quant a elle qu’il est le chef officiel de l’armée Yougoslave de la patrie.
À l’inverse de son rival Tito, Draža ne fait pas de politique et laisse toutes latitudes à ses groupes de Tchetniks, à l’inverse des partisans qui sont très bien encadrés et sous commandement central.
Tito va alors s’attribuer les mérites des Tchetniks, comme la bataille de Sabač en janvier 1941 ou la bataille de Smederevo en février 1941. Ses nombreuses victoires et coups d’éclats poussent le Général De Gaulle à citer Draža à l’ordre de l’armée le 3 février 1943 avec attribution de la croix de guerre avec palmes. Le 25 mai, il avait été reconnu par les USA en faisant la couverture du très célèbre Times Magazine.
Churchill, sous influence d’agents communistes dans son ministère des Affaires étrangères, lâche petit à petit Draža au profit de Tito. Toute l’aide anglo-américaine passe alors à Tito, qui profitait déjà de l’aide Soviétique. Il conserve pourtant au début le soutien du gouvernement et du roi Yougoslave qui le nomme général en juillet 1942, après qu’il a été nommé ministre de la guerre du gouvernement en exil le 11 janvier de la même année. Le roi va cependant lui aussi finir par suivre les décisions de Churchill et va destituer Draža de son poste de ministre pour le confier à Tito.
C’est alors la fin du mouvement Tchetnik, la plupart rejoignant les Partisans et les autres se faisant massacrer par les Oustachis croates pro-nazis ou les Partisans communistes.
Avec un soutien massif de l’Armée rouge, les Partisans finissent de chasser l’armée allemande des Balkans et après un référendum plus que douteux, la monarchie est abolit, la république proclamé et Tito nommé dirigeant de la nouvelle Yougoslavie socialiste.
Afin de ne pas partager la gloire et de fabriquer le mythe des Partisans, la mémoire des Tchetniks doit être oublié et Draža présenté comme un traitre. Il est capturé en 1946, jugé puis fusillé le 17 juillet 1946, après un procès truqué qui ne lui laissait aucune chance.
Deux ans après sa mort, le président Truman lui accorda la médaille de la légion du mérite à titre posthume et les USA lui rendirent un ultime hommage en lui érigeant une statue à Washington « en reconnaissance du rôle qu’il a joué en sauvant plus de cinq cents pilotes américains en Yougoslavie ».
En 2015, 69 ans après son exécution, la Haute Cour de Belgrade annule sa condamnation arguant que son procès n’avait pas été équitable et que les preuves à charge avaient été falsifiées.
De Gaulle, devenu président, refusa toujours de rencontrer Tito à cause de cette exécution sommaire, et ne se rendit jamais en Yougoslavie malgré les nombreuses invitations de Tito.
L’excellent livre de Jean-Christophe Buisson, Mihailovic : Héros trahi par les alliés, est un superbe hommage rendu à ce destin extraordinaire du premier résistant serbe.
