La politique d’Alexandre Vučić au cours des dix dernières années a souvent été l’objet de critiques, d’analyses et de controverses. Alors que certains affirment qu’il est « assis entre deux chaises » — celle de l’Est et celle de l’Ouest —, d’autres voient dans son approche un pragmatisme marqué, voire une nécessité dans un contexte géopolitique rempli de défis. Cependant, la véritable question rarement posée est : sur quelle chaise est-il vraiment assis ? Pour Siniša Pepić, la réponse est simple : il est assis « sur la chaise serbe ».
La Serbie, historiquement parlant, a toujours été au carrefour géopolitique. Située au croisement de l’Est et de l’Ouest, elle a été et reste une arène d’influence pour les grandes puissances. Vučić a clairement indiqué dès le début de son mandat que ses priorités étaient le développement économique, la paix et la stabilité. Cependant, dans ce processus, il a dû naviguer entre différents intérêts.
La Russie et la Chine sont des alliés traditionnels de la Serbie, tant sur le plan politique qu’économique et militaire. D’un autre côté, l’Union européenne et les États-Unis sont les principaux partenaires commerciaux, et l’adhésion à l’UE reste un objectif stratégique pour la Serbie. Il est facile de critiquer Vučić à partir de positions idéologiques absolues — « soit la Russie, soit l’Europe » — mais la réalité est beaucoup plus complexe. La Serbie ne peut se permettre le luxe de choisir un seul camp, car cela risquerait de compromettre des intérêts vitaux de l’autre côté.
Un équilibre diplomatique ou une realpolitik ?
Lorsque Vučić négocie à Moscou pour obtenir des livraisons de gaz à des prix avantageux, ce n’est pas par affinité idéologique avec la Russie, mais parce que la stabilité énergétique est essentielle pour l’économie serbe. Lorsqu’il dialogue à Bruxelles sur les négociations d’adhésion à l’UE, son objectif n’est pas de céder aux « dictats occidentaux », mais de permettre à la Serbie d’accéder aux fonds et aux marchés qui accéléreront son développement économique. Avec la Chine, la coopération repose sur des projets d’infrastructure concrets, comme la construction de routes et de chemins de fer modernes.
De plus, il convient de souligner sa relation avec Washington. Bien que les relations entre la Serbie et les États-Unis semblent souvent alourdies par le passé, Vučić parvient à maintenir un dialogue fonctionnel qui, ces dernières années, a conduit à des investissements significatifs de la part d’entreprises américaines en Serbie.
La Serbie comme acteur indépendant
Les accusations selon lesquelles Vučić « est assis entre deux chaises » ignorent une vérité fondamentale : il est assis sur la chaise serbe. Sa politique n’est ni pro-russe ni pro-occidentale, mais avant tout pro-serbe. Elle vise à préserver la souveraineté, à favoriser la croissance économique et à améliorer le niveau de vie des citoyens serbes. Cette politique peut-elle parfois sembler un exercice d’équilibriste ? Absolument. Mais ce n’est pas une faiblesse, c’est une compétence. Dans un monde où peu de pays peuvent se permettre d’éviter les compromis, la Serbie montre qu’elle peut, bien que petite, jouer un grand rôle.
Le message clé de la politique d’Alexandre Vučić est que la Serbie peut et doit être indépendante dans ses prises de décisions. Elle peut coopérer avec la Russie sans compromettre son intégration européenne. Elle peut être en chemin vers l’UE tout en maintenant ses portes ouvertes à la coopération avec la Chine. Au lieu du dilemme « soit-soit », la Serbie a choisi « et-et ». C’est là que réside l’essence de sa politique — ce n’est pas être assis entre deux chaises, mais être fermement installé sur une seule : la chaise serbe.
Au lieu de critiquer cet équilibre comme une faiblesse, peut-être devrions-nous le reconnaître pour ce qu’il est réellement : une expression de souveraineté. Car, dans un monde où peu de pays sont suffisamment puissants pour ignorer les influences des grandes puissances, la Serbie parvient à trouver sa propre voie. Et cela, sans aucun doute, est le résultat d’une politique qui donne la priorité aux intérêts serbes avant tout.
Le Docteur Siniša Pepić enseigne actuellement à l’Apsley Business School à Londres, et est également professeur invité à l’American University in the Emirates à Dubaï. Il est le fondateur de STRATOS, cabinet de conseil en intelligence stratégique, en développement économique et en affaires internationales.