Siniša Pepić : « Les appels à la démission de Vučić, un refrain sans issue »

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Les appels à la démission de dirigeants politiques comme Aleksandar Vučić sont devenus un refrain presque banal, se répétant inlassablement année après année. D’un côté, une opinion publique épuisée aspire à un changement, sans pour autant disposer d’une vision claire de ce qui devrait advenir une fois ce départ acté. De l’autre, les partis d’opposition et les organisations de la société civile, souvent soutenus par d’importants financements nationaux ou étrangers, multiplient les appels aux manifestations, investissant temps et ressources dans la critique du pouvoir en place. 

Cependant, une question fondamentale demeure : ces injonctions à la démission peuvent-elles réellement déboucher sur une transformation en profondeur, surtout lorsque ceux qui les formulent ne semblent pas prêts à assumer les responsabilités liées à la gestion de l’État ? L’ironie est frappante. Les organisations de la société civile, dotées de budgets souvent considérables, contribuent à nourrir le mécontentement et à entretenir le discours du changement. Mais qu’arriverait-il après un éventuel départ de Vučić ? Ces organisations ne se préparent ni à participer aux élections, ni à gouverner, ni à affronter des défis géopolitiques complexes. Leur rôle se limite à maintenir la critique, et, paradoxalement, elles pourraient même espérer l’arrivée d’un dirigeant plus médiocre encore, afin de justifier de nouveaux projets et d’obtenir des financements supplémentaires. Plutôt que de favoriser des réformes en profondeur, elles perpétuent un cycle ininterrompu de contestation sans responsabilité concrète. 

« Un changement réel requiert davantage que de crier « Démission ! » »

La même logique prévaut au sein de l’opposition. Elle réclame bruyamment la chute du pouvoir, mais on peine à percevoir chez elle un véritable enthousiasme à l’idée de gouverner. Or, exercer le pouvoir implique de faire des choix difficiles, de supporter le fardeau des responsabilités et d’affronter l’éventualité d’un échec sous le regard critique de l’opinion. Actuellement, les députés d’opposition bénéficient du confort de leurs fonctions parlementaires, jouissant d’une visibilité médiatique et de rémunérations publiques, sans le risque inhérent aux décisions exécutives. Ils restent ainsi dans une zone de confort, critiques mais dispensés de l’épreuve du terrain. 


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Dans ce contexte, les appels à la démission de Vučić deviennent de simples slogans répétitifs. Certes, les motifs légitimes de contestation ne manquent pas, mais un changement réel requiert davantage que de crier “Démission !” Il faut des programmes clairs, une stratégie crédible, le courage d’assumer le pouvoir, de mettre en œuvre des réformes, parfois impopulaires mais nécessaires. 

C’est là que réside le nœud du problème : tant que ni l’opposition ni la société civile ne se montreront prêtes à endosser pleinement la responsabilité du pouvoir, à obtenir un mandat électoral et à mener les réformes indispensables, leurs appels ne seront que des figures rhétoriques. Ils attireront sans doute l’attention des médias étrangers, faciliteront l’octroi de nouveaux financements, mais ne changeront rien en profondeur. Après une éventuelle démission, le cycle se répétera, avec de nouveaux acteurs, de nouvelles critiques et des problèmes de fond inchangés. La réponse à la question « Les appels à la démission de Vučić peuvent-ils vraiment tout changer ? » est donc, pour l’heure, essentiellement négative. Sans une volonté sincère de prendre les rênes et de porter un projet politique cohérent, la démission n’est qu’un point de passage éphémère dans un théâtre politique où les rôles se succèdent, mais où l’essence reste la même.

Le Docteur Siniša Pepić enseigne actuellement à l’Apsley Business School à Londres, et est également professeur invité à l’American University in the Emirates à Dubaï. Il est le fondateur de STRATOS, cabinet de conseil en intelligence stratégique, en développement économique et en affaires internationales.

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La rédaction de Balkans-Actu

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