L’accident de la gare de Novi Sad, dont une structure en béton s’est effondrée le 1er novembre, tuant 14 personnes sur le coup, continue de faire trembler la Serbie, alors que le bilan s’est encore alourdi, une des trois personnes ayant été admises à l’hôpital dans un état grave ayant succombé à ses blessures le 17 novembre.
Dès le soir de la catastrophe, des manifestations se sont tenues dans plusieurs villes de Serbie, Novi Sad et Belgrade principalement. Les manifestants exigent que les responsables soient retrouvés et condamnés. Dès le 5 novembre, Goran Vesić, ministre serbe de la Construction, des Transports et des Infrastructures, a présenté sa démission, en précisant qu’il ne se sentait « coupable de rien ». Cette démission n’a pas suffi à satisfaire les manifestants.
Un certain nombre vont plus loin et accusent l’appareil d’État serbe de corruption. « Ces quatorze morts et trois blessés sont, avant tout, victimes de ce régime et de tout ce qui s’est passé en Serbie au cours des douze dernières années. Ce malheur n’est pas venu de lui-même. C’est le produit de l’arrogance et du déshonneur, du pillage par cet Etat et par ce pouvoir. Leur façon criminelle de diriger l’Etat a conduit à la mort des gens », accusait ainsi un manifestant interrogé par l’AFP.
De son côté, le président Aleksandar Vučić a dénoncé la violence de certaines de ces manifestations : « Que les citoyens serbes ne pensent pas une seule seconde que la violence est autorisée. Tous ceux qui y ont pris part seront punis », a-t-il publié sur Instagram au soir d’une manifestation qui a mené à des dégradations sur la mairie de Novi Sad. Il a également dénoncé une récupération de l’opposition : « On ne peut pas induire le peuple en erreur et utiliser chaque tragédie avant tout pour gagner des points politiques », tout en demandant aux membres de son gouvernement d’assumer leurs responsabilités et en annonçant que des changements seraient bientôt faits : « Des changements significatifs sont nécessaires. Certaines personnes sont fatiguées et sont déjà habituées à être ministres, c’est devenu une routine pour elles, et ce n’est pas bien quand quelque chose devient une routine pour elles. Il faut avoir de l’énergie », a-t-il déclaré dans une interview à la RTS (Radio télévision de Serbie). À l’heure où est publié cet article (le 20 novembre à 11h30), des démissions sont d’ailleurs attendues dans la journée. [Ajout à 15h33 : Tomislav Momirović, ministre de la Construction, des Transports et des Infrastructures de 2020 à 2022 et aujourd’hui ministre du Commerce, vient de donner sa démission.]
Dans la majorité présidentielle, certains vont même plus loin : « L’ingérence grossière des représentants étrangers dans les affaires intérieures de la République de Serbie se poursuit, cette fois-ci par le groupe parlementaire des Socialistes et Démocrates (S&D) au Parlement européen », déclare ainsi Arnaud Gouillon, directeur du Bureau de la diplomatie publique et culturelle, qui poursuit : « Ils ont fait un pas de plus et ont ouvertement soutenu les manifestants et l’opposition qui utilisent la tragédie de Novi Sad pour obtenir un changement de pouvoir forcé ».
Un soutien qu’il juge « hypocrite » puisque « ce sont les députés de l’opposition qui ont le soutien [du groupe parlementaire des Socialistes et Démocrates au Parlement européen] qui sapent le travail du tribunal et du parquet à Novi Sad ». En effet, mardi 19 novembre, des députés et des conseillers municipaux ont physiquement bloqué l’entrée du parquet et du tribunal de Novi Sad pendant près de six heures en signe de protestation contre les arrestations faites pendant les manifestations précédentes (photo).
Dans certaines de ces manifestations, on a pu apercevoir récemment quelques drapeaux européens. Ces manifestations resteront-elles concentrées sur la tragédie de Novi Sad, ou vont-elles devenir un mouvement de fond contre l’ensemble de l’action du gouvernement et du président Vučić ? L’avenir le dira.
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[Mise à jour le 22 novembre]
« C’est une action bien coordonnée de l’étranger, je crois. Ils bénéficient d’un soutien médiatique incroyable, on voit des images où on dirait une guerre civile, alors que pas plus de 500 personnes y participent. »
Ana Brnabić, présidente de l’Assemblée nationale et ancienne Premier ministre serbe.