11-Novembre 2018 / Cent ans d’amitié franco-serbe piétinés par Macron

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Le 11 novembre, à la tribune officielle des cérémonies commémoratives de la victoire de 1918, le président a préféré le Kosovo à notre ancien allié serbe.

Cent ans après la libération de la capitale serbe par l’Armée d’Orient, les autorités françaises et serbes ont commémoré en grande pompe un des événements majeurs de la Première Guerre mondiale. Alors qu’en France on peine à trouver le moindre trace de la formidable percée du front de Salonique dans le flot de commémorations et écrits, hormis un chapitre dans le très bon livre du colonel Porte et une émission tardive sur France 3, Belgrade s’apprêtait à célébrer comme il se doit un des faits majeurs de la percée héroïque du général Tranié et du maréchal Franchet d’Esperey.

«Nous aimons la France comme elle nous a aimés »

Sous un soleil quasi printanier, Belgrade s’était, ce 1er novembre 2018, parée de ses plus beaux atours. Au matin, la délégation française, constituée du récent ambassadeur Mondoloni et de la secrétaire aux Anciens combattants, Geneviève Darrieussecq, avait déjà honoré un monument qui est unique : placé au cœur du parc du Kalemegdan, face à l’imposante ambassade de France, la grande statue érigée par le sculpteur Ivan Mestrovic à la fin des années 1930 fait écho au monument au roi Alexandre Ier de Yougoslavie, sis place de la Muette à Paris. Dans un style très néo-réaliste, il scelle à jamais le tribut donné par plus de 600 000 soldats, dont 130 000 Serbes, à la victoire ultime obtenue dès le 15 septembre par le premier succès décisif contre les austro-allemands sur le massif du Dobro Polje, puis à la percée en 45 jours de plus de 500 kilomètres entre Salonique en mer Egée et Belgrade sur le Danube, fait unique dans l’histoire militaire. Mais surtout c’est un monument unique sur l’amour indéfectible d’un peuple envers un autre : en contrebas on peut y lire : « Nous aimons la France comme elle nous a aimés ».

Plein de ce moment très émouvant, la même délégation se rendit dans l’équivalent du cimetière du Père Lachaise, le cimetière du Novo Groblje, planté sur une des sept collines de Belgrade. Ses vastes allées bordées de majestueux platanes abritent les tombes des grands hommes d’Etat, peintres et intellectuels serbes, mais aussi des généraux de la Première Guerre comme Putnik ou Stepanovic. La liberté de pensée des Serbes et leur absence totale d’esprit revanchard a permis, à mon grand étonnement, que des tombes autrichiennes ou hongroises, soient érigées à côté des carrés militaires russe, britannique ou français. Au début de ce cimetière imposant, se situe le carré militaire français, avec plus de 400 tombes de nos « poilus » d’Orient. Bien alignés et allongés devant le drapeau français, ils semblaient en ce jour de commémoration répondre à la devise inscrite sur le monument principal : « Aux soldats français morts pour la France et pour ses alliés ». La délégation franco-serbe marqua ce 1er novembre 2018 un salut solennel à ces soldats morts très loin de leur patrie, dans le but de défendre les idéaux de la République et de lutter contre la barbarie impériale qui avait, pendant quatre ans, marqué le sol des Balkans de son sang. Qu’ils étaient courageux ces Bretons, Auvergnats et autres Parisiens, mais aussi Algériens, Malgaches et Sénégalais, partis à l’autre bout de l’Europe pour défendre les idées de liberté et d’égalité.

La rencontre de Corfou

C’est donc avec le cœur empli de sentiments forts que nous nous dirigeâmes au Centre Sava, à l’invitation des autorités serbes, pour assister à la grande soirée pour le Centenaire de la Première Guerre mondiale. Le ton n’était pas, ce soir-là, à la contrition et à l’éloge de la paix, nous fêtions la Victoire qui, dans ces contrées de Macédoine et de Serbie, avait été durement acquise : 28 % de la population serbe avait, par son sacrifice, contribué à la victoire et plus de 62 % de la population masculine avait péri pendant le conflit. La fanfare militaire joua des partitions militaires victorieuses entonnées par toute la salle ; c’est avec une émotion intacte que les 2000 invités reprirent le « Tamo daleko » (« Là-bas au loin »), ode à ces soldats qui, en 1915, avaient, en suivant leur roi et leur patriarche, abandonné leurs familles et sacrifié une partie de leur vie, mais pour un but ultime : ils savaient qu’ils allaient libérer leur pays qu’elles qu’en soient les conditions.

Mais ces souvenirs glorieux semblent s’être estompés dans le magma des célébrations placées sous le signe de la paix, pour des « civils qu’on a armés », selon Emmanuel Macron.

Quelle triste image, par contraste avec les célébrations joyeuses placées sous le signe de la victoire, donnée par ce jour pluvieux du 11 novembre 2018 à Paris, donnée par cette mascarade de commémoration. Comment expliquer la lecture d’un texte en chinois, pays non engagé en 1914 dans le conflit mondial, et aucune référence à la participation de la Russie et de la Serbie aux côtés de la France en 1914-1918. Les 450 000 soldats serbes morts et 800 000 civils fauchés par le typhus ou morts dans les geôles autrichiennes sont-ils morts pour rien, eux dont les descendants apprennent encore à leurs enfants « Krece se ladza francuska » (« Le navire français part ») en remerciement à l’opération de sauvetage de l’armée serbe par la marine française en 1915.

La France s’humilie

Mais au-delà de tout signe de reconnaissance envers les Alliés, c’est la célébration, devant la tombe du soldat inconnu, des perdants et donc des pays agresseurs qui choque une grande partie de l’opinion française. Comment expliquer la présence d’Angela Merkel et l’absence de parade militaire autrement que par un amour suicidaire pour les puissances centrales qui semblent sur le terrain prendre leur revanche sur l’humiliation subie en 1918 puis à nouveau en 1944. Les troupes allemandes, outrepassant leur rôle purement défensif qui leur avait été attribué en 1945, occupent exactement les mêmes localités au Kosovo et en Métochie qu’en 1944. Que diraient aujourd’hui, face à cette soumission devant l’Allemagne, Franchet d’Esperey, grand vainqueur de 1918, ou De Gaulle, compagnon d’armes du chef résistant serbe Draza Mihajlovic ?

Mais la France s’est définitivement humiliée avec l’honneur fait à un Etat mafieux et à ses représentants. Qui était ce grand homme placé juste derrière notre président, sur la tribune officielle du 11 novembre ? Ni plus ni moins qu’Hashim Thaçi, poursuivi depuis plusieurs années par les tribunaux suisses pour trafic d’armes, et serbes pour trafic d’organes. Pour boucler la boucle de cet abaissement macronien ne manquait plus que ce symbole ultime : pendant sept jours, dans la basilique Notre-Dame a été placé le drapeau du pseudo-Etat du Kosovo, toujours non-reconnu à l’ONU et trou noir de l’Europe. Quel choc des symboles quand on sait que c’est dans cette même cathédrale qu’en juin 1389 ont sonné les cloches à l’annonce des premières victoires serbes contre l’Empire ottoman, lequel était entre autres aidé par des unités albanaises.

L’avenir très proche nous dira si ce choix manifeste, au nom de la paix, d’honorer les agresseurs et d’oublier nos alliés les plus précieux aura une quelconque incidence. Mais déjà il est sûr que plus jamais les liens entre la France et la Serbie ne seront les mêmes.

Alexis TROUDE
14 novembre 2018

La rédaction de Balkans-Actu

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