Emmanuel Macron reçu en grande pompe à Belgrade : une amitié retrouvée ?

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Le 15 juillet 2019, Emmanuel Macron faisait une visite d’État à Belgrade. Elle était très attendue car depuis Jacques Chirac aucun Président français ne s’était rendu en Serbie. En outre, il avait à deux reprises cette année décommandé sa visite officielle dans la capitale serbe. Il était donc très attendu par les Serbes.

Pour eux, quelques années seulement après la renaissance de leur État (2008), la visite d’un chef d’État français revêtait la plus haute importance. Pour la France aussi, qui avait délaissé cette région depuis quelques années, avec par exemple une décevante septième place d’investisseurs étrangers, derrière des pays concurrents comme l’Italie ou l’Allemagne, il fallait rattraper le temps perdu.

Or l’accueil par la Serbie officielle a été au-delà des espérances. Comme au beau vieux temps de la Yougoslavie, une emphase et un décorum dignes des meilleurs régimes socialistes accueillaient Emmanuel Macron. Depuis l’aéroport Nikola Tesla récemment racheté par Vinci jusqu’au coeur même de Belgrade, des drapeaux serbes et français se hissaient sur chaque lampadaire. Dans la capitale, de très nombreux panneaux publicitaires avaient été réquisitionnés par le gouvernement afin de déclamer, fait rare pour le souligner, l’amour des Serbes pour la France – en lieu et place de slogans commerciaux, les Belgradois ont eu droit une semaine durant à des marques d’affection de la Serbie à la France sur les panneaux publicitaires. Derrière des méthodes encore empreintes d’une naïveté toute balkanique perçait l’amitié franco-serbe forgée lors du front de Salonique au temps de la Première Guerre mondiale. Les Serbes vouent encore , à grand renfort d’émotion, un attachement et une gratitude incommensurables à l’Armée française d’Orient qui, sous le commandement du maréchal Franchet d’Esperey, leur a permis de sauver leur patrie en 1918. 

Ce n’est donc pas surprenant que durant ces deux jours de retrouvailles franco-serbes au plus haut niveau, les moments clés aient été la visite au coeur du parc du Kalemegdan, face à l’Ambassade de France,  au monument à la France où est inscrit «nous aimons la France comme elle nous a aimés», fait unique au monde de la marque d’affection d’un peuple envers un autre, mais aussi au cimetière militaire français où 375 Poilus d’Orient reposent en paix, symbole du sacrifice lié à de la première victoire décisive de l’Entente de la Première Guerre mondiale.

La France reste à la traîne des autres puissances

Mais la question est de savoir quelles sont les retombées de cette visite officielle du Président de la République en Serbie, annoncée depuis longtemps à grand renfort de publicité. Emmanuel Macron étant arrivé comme tous les présidents français avec une bardée de chefs d’entreprises, on s’attendait à la signature d’accords commerciaux et économiques d’envergure. Mais la population serbe qui avait accueilli avec beaucoup d’émotion les paroles en serbe d’Emmanuel Macron lors de son discours devant le monument à la France a très vite déchanté car, à part des accords culturels sur la francophonie et très techniques sur des échanges militaires, aucun accord économique d’envergure à l’horizon. Comme l’a très bien dit mercredi 28 août l’ancienne diplomate française devenue Présidente de la Géorgie, Madame Salomé Zourabichvili, « les chefs d’entreprise français sont très frileux ». En face, les Chinois avancent à grandes enjambées dans leur projet de « routes de la soie » (rachat de plusieurs mines et usines, construction d’autoroutes) et les Russes ont multiplié tout l’été des accords militaires et ferroviaires.

En fait, la France officielle a compris que le retard pris depuis quelques années dans cette région allait mettre du temps à être comblé. Comme nous l’a déclaré Monsieur Mondoloni, Ambassadeur de France à Belgrade ces deux dernières années, « nous sommes absents de la région depuis 2010 ». Donc Emmanuel Macron voulait par sa visite officielle au moins montrer la présence de la France. Mais force est de constater que, malgré le fort sentiment de francophilie dans la population et le gouvernement serbes, il sera difficile de remplacer les géostratégies chinoise et russe à l’œuvre en Serbie.

La rédaction de Balkans-Actu

La rédaction de Balkans-Actu

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